La muse, le guide et le poète

L’imaginaire et l’imagination sont ce qu’il y a de plus important à mes yeux. L’un ne va pas sans l’autre : l’imagination est l’aptitude innée d’inventer et l’imaginaire en est sa représentation. Ils symbolisent les deux i de Lunii. Bonjour à ceux qui passent par là, je suis Maëlle, cofondatrice de Lunii et j’aimerais vous parler ici de ce qui se cache derrière ces deux mots.

Dans mon précédent article, j’ai parlé d’Imaginaire et de connaissance de soi. La Connaissance de soi est un long et périlleux travail qui peut se réaliser de multiples manières en fonction de la sensibilité de chacun. S’il existe de nombreuses techniques, l’imaginaire me semble être intéressant à explorer, précisément car il n’en est pas composé. Il ne peut pas exister de modèle ou de parfait manuel de l’épanouissement personnel par l’imaginaire.

Le génie de l’imaginaire est d’avoir compris l’universalité et la singularité en chacun d’entre nous. Sa force est de nous émerveiller, de nous plonger si profondément dans une histoire que nous en ressortons changés. Nul besoin de l’analyser, l’Imaginaire agit sur nous sans même que nous nous en apercevions. C’est un monde des possibles sans fin qui provoque en nous un questionnement perpétuel. Chacun est libre de choisir ses propres réponses, quelles qu’elles soient. Elles ne seront jamais arrêtées et toujours en mouvement. Toute la magie de l’imaginaire est là.

Un récit imaginaire porteur de sens, comme un mythe, peut presque se lire à l’infini. Chaque relecture prend un nouveau sens en fonction de notre stade de développement et d’épanouissement. Peut-être qu’une première lecture va m’éveiller à la différence et m’ouvrir l’esprit; qu’une seconde fera grandir mon sens critique; que lors de la troisième, je m’attarderai plus longuement sur un objet, une parole, un personnage… C’est une aventure intérieure où l’on rencontre, si on le veut bien, une partie de soi étrangère, où l’on parle une langue inconnue que l’on connaît pourtant. Cette odyssée intime nous confronte à un miroir dans lequel on se perd pour se retrouver.

« L’imagination est une force première. Elle doit naître dans la solitude de l’être imaginant. »

Gaston Bachelard, L’Air et les Songes

Ces mots sont expressément lyriques et mystérieux. Car au-delà d’aborder des sujets universels, l’Imaginaire nous en parle avec beauté, passion et poésie. Il est l’art de fusionner le fond et la forme pour qu’il ne fassent plus qu’un. Si l’Imaginaire avait été un personnage de la mythologie grecque, il aurait pu être personnifié par une Muse, un Poète ou un Guide. Sa beauté et sa poésie inspirent tout autant que le message qu’il a à délivrer…

« La mythologie est la terre natale des muses, l’inspiratrice des arts et de la poésie. À travers le mythe, vous ressentez la vie comme un poème auquel vous participez. Un poème dont la langue ne serait pas composée de mots mais d’actions et d’aventures. » Joseph Campbell, Puissance du mythe.

Si parler de voyage intérieur paraît trop nébuleux pour certains, nous pouvons aussi revenir à une interprétation moins céleste et utiliser l’imaginaire de façon plus pratique. Campbell disait : « J’ai une théorie. Je crois que lorsqu’on découvre un blocage chez un individu, il est possible de lui fournir l’équivalent mythologique qui lui permettra de résoudre son problème. » Peut-être qu’avec un peu de curiosité nous pourrions trouver le bon ouvrage qui nous aiderait à sortir d’une impasse ? Peut-être que nous en imprégner nous ferait avancer plus vite ? Peut-être aussi qu’il n’y a pas de formule magique et que ce qui importe c’est de prendre le temps de se nourrir…

Mais sait-on se nourrir sainement ? Est ce que de nos jours tout n’est pas qu’une industrie de divertissement ? Les ouvrages porteurs de sens sont-ils noyés dans un trop plein ? Comment faire la différence entre ce qui nous nourrit et ce qui nous divertit ? La frontière entre les deux est-elle si nette ? Peut-on à la fois se nourrir et se divertir ?

Il est ardu de répondre à ces questions. Aujourd’hui, nous courons après la rentabilité de notre temps, dans ce contexte si aliénant un contenu porteur de sens peut-il nous nourrir si nous le « fast-consommons » ?

Dans Les Structures Anthropologiques de l’Imaginaire, Gilbert Durand exprime sa peur que le travail de la Fourmi affairée soit l’image phare de notre société et que la Cigale soit délaissée. Selon lui, l’homme ne doit pas oublier l’oisiveté, la contemplation, l’ennui, le défoulement et les loisirs.

La Cigale, ayant chanté tout l’été,

Se trouva fort dépourvue

Quand la bise fut venue.

Pas un seul petit morceau

De mouche ou de vermisseau.

Elle alla crier famine

Chez la Fourmi sa voisine,

La priant de lui prêter

Quelque grain pour subsister

Jusqu’à la saison nouvelle.

Je vous paierai, lui dit-elle,

Avant l’août, foi d’animal,

Intérêt et principal.

La Fourmi n’est pas prêteuse ;

C’est là son moindre défaut.

Que faisiez-vous au temps chaud ?

Dit-elle à cette emprunteuse.

Nuit et jour à tout venant

Je chantais, ne vous déplaise.

Vous chantiez ? j’en suis fort aise :

Et bien ! dansez maintenant.

Jean de La Fontaine, Les Fables de La Fontaine, La Cigale et la Fourmi

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