L’ancestrale science des rêves

L’imaginaire et l’imagination sont ce qu’il y a de plus important à mes yeux. L’un ne va pas sans l’autre : l’imagination est l’aptitude innée d’inventer et l’imaginaire en est sa représentation. Ils symbolisent les deux i de Lunii. Bonjour à ceux qui passent par là, je suis Maëlle, cofondatrice de Lunii et j’aimerais vous parler ici de ce qui se cache derrière ces deux mots.

Dans mes précédents billets, je parle d’imaginaire collectif et des similitudes entre tous les récits, les mythes, les légendes contés depuis la nuit des temps. Le mythe invite l’individu à interpréter un récit écrit en langage symbolique et ressortir de l’universel une interprétation personnelle.  Joseph Campbell parle de quête individuelle, la quête du héros, qui va permettre de se découvrir.

L’imaginaire individuel est relatif à la personne, il prend différentes formes qui n’ont de sens que pour l’individu car il est lié à sa propre expérience, à son vécu.

Notre propre imaginaire se manifeste par exemple dans nos rêves. Le mot « rêve » vient du vieux français « desver » qui signifie « perdre le sens », ainsi que « d’esver », qui veut dire « vagabonder ». Il trouve également racine dans le latin « exvagus » qui signifie « qui part à l’aventure », « qui erre çà et là ». « Songe » vient du latin « somnium » qui désigne une chimère ou une extravagance. Le rêve ou le songe sont des lieux où l’on se perd et où l’on se laisse aller à l’incroyable

Le rêve est quelque chose d’intime et de propre à chacun, ce qui fait la différence avec l’imaginaire collectif. Mais est-ce vraiment toujours le cas ?

Samy All, dans l’un de ses ouvrages sur l’étude du rêve, nous explique à quel point le rêve peut avoir une signification pour la collectivité. Il nous raconte l’histoire d’un ami géographe se rendant en mission au Québec, chez les Amérindiens :

« Une nuit du quatrième hiver, alors que son groupe de chasseurs n’avait abattu aucun gibier depuis plusieurs jours et qu’ils se trouvaient au cœur de la forêt boréale, loin de toute habitation, un orignal lui parut en rêve. Au matin il raconta aux autres qui lui firent décrire avec précision le paysage dans lequel son rêve avait montré la bête. Ils partirent vers l’endroit qu’ils pensaient avoir reconnu. (…) ; sur le bord de ce lac en lisière de la forêt, un orignal semblait les attendre. Sa posture était exactement la même que celle dans laquelle il était apparu au géographe (…). Le soir au campement le chef lui dit : « Tu as appris à parler, manger, dormir sous la tente et cela fait de toi un Blanc qui sait vivre comme un indien. Maintenant, tu rêves comme un Indien, cela fait de toi un Indien. » »

Ali, Sami, Le rêve, l’affect et lapathologie organique

Chez les Amérindiens, le rêve est quelque chose de primordial. Cette « science des rêves » a été découverte par les Jésuites missionnaires entre le XVIe et le XVIIe siècles – néanmoins, il est sûr et certain qu’elle était bien plus ancienne. Les Jésuites expliquèrent que la place du rêve chez les Amérindiens était la raison principale qui les empêchait de réussir à les convertir au christianisme.

« Chez les Hurons, comme chez les Iroquois, le travail interprétatif respecte un principe de continuité psychique entre pensée vigile et pensée onirique (…) mais aussi un principe de continuité entre le rêve individuel et l’équivalent du rêve collectif qu’est le mythe. »

Ali, Sami, Le rêve, l’affect et la pathologie organique

En effet, dans certaines civilisations, le rêve n’est pas rattaché seulement à l’individu. Chez les aborigènes d’Australie, dont le mythe fondateur s’appelle d’ailleurs « le Temps du Rêve », chaque acte, chaque création de l’individu a une signification pour la collectivité. L’individu seul n’a pas sa place dans ces communautés, chacun a « un rêve », c’est-à-dire un rôle et un destin qu’il ne lui appartient pas vraiment de contrôler. Ce rêve correspond au territoire auquel ils appartiennent et qu’ils doivent garder et protéger au fil du temps.

« Pour l’homme dont la civilisation est encore nourrie de mythologie, les lieux où se déroule son existence sont, tout autant que les étapes de celle-ci, peuplé d’évocation symbolique. »

Campbell, Joseph, Le héros aux mille et un visages

Alors, si l’imaginaire individuel et l’imaginaire collectif sont liés, parfois même indissociables, la frontière entre les deux est-elle si précise ? L’imaginaire collectif et l’imaginaire individuel doivent-ils dialoguer, rebondir l’un avec l’autre, danser ensemble pour que la quête humaine avance ? Le rêve est-il le seul lien entre les deux imaginaires… n’en existerait-il pas d’autres ?

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